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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/339

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cette communauté de toutes choses qui existait entre Hermangarde et Ryno, et croyant aussi, comme la marquise, que ce bonheur dans la tendresse n’avait pas encore rencontré d’écueil, elle n’imagina pas que la femme qui pensait par la pensée de son mari pût ignorer le contenu d’une lettre que ce dernier avait écrite. Elle la lui remit donc tout naturellement, et Hermangarde l’ouvrit sans trop songer à ce qu’elle faisait, la mort de sa grand’mère lui ayant causé un de ces chagrins qui distraient de tout ce qui n’est pas la pensée fixe, inconsolable… Une fois engagée dans cette lecture, pouvait-elle s’arrêter ?… Les sensations qui l’entraînaient, qui la suspendaient à ce récit, plein de remords, de regrets, de luttes de cœur si cruelles et de lumières si fulgurantes sur cette Mauricaude des Rivières, cette rivale inconnue, devinée, haïe au premier coup d’œil, étaient trop vives, trop maîtrisantes, pour qu’elle ne lût pas jusqu’à la fin ces poignants détails, Elle s’y précipita, elle s’y roula, poursuivie, poussée par ces cris, ces explications, ces analyses de Ryno, qui la mordaient au cœur, à la tête, partout, comme un cerf forcé par des limiers féroces. Puis, quand elle eut touché le terme de cette confession dans laquelle Ryno demandait à sa grand’mère de le rendre à la femme qu’il aimait et de l’ôter à celle qu’il