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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/358

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gnole ? Est-ce que vous en avez entendu causer à Carteret ?

— Pardié ! — dit le pêcheur de crabes, — c’est une histoire assez connue. La jolie Marie Meslin, la Sansonnet et la Lampérière l’ont assez racontée à tous les lavoirs du pays. Il m’est avis, la mère Charline, que vous la savez aussi bien que mai. Elles disaient donc que cette amfreuse[1] petite Mauricaude qui se retirait chez vous, mère Charline, et que j’avons tant rencontrée sur les grèves, était une ancienne de M. de Marigny, qu’il avait laissée là pour épouser sa femme, et qui le persécutait, depuis quelque temps, comme une vraie vision de Bréhat ! Elles ajoutaient qu’elle était un brin sorcière et qu’elle l’avait ensorcelé si bien qu’il ne pouvait se démêler d’elle. C’était là p’t-être des mauvais propos, car j’n’crais pas qu’il y ait des femelles qui chevauchent les hommes, comme le loup-garou chevauche le diable. On a toujours bien un parement de fagot, pas vrai, mère Charline ? dont on peut les régaler, quand elles commencent de viper[2] trop fort. Mais

  1. Affreuse.
  2. Onomatopée de génie. Vibrer n’exprime qu’un son. Mais il y a le sifflement suraigu des colères de la vipère dans viper, mot digne de faire une entrée triomphale dans la langue, si la porte n’en était pas si basse et si étroite.
    (Note de l’auteur.)