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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/375

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— Il est — continua M. de Prosny, qui passa sur le mot touchant de la comtesse, sans plus l’entendre que la roue d’un char n’entend les cris de ceux qu’elle broie, — rue de Provence, no 46, chez la señora Vellini.

— Est-ce bien sûr, cela ? — repartit la comtesse, qui voulait douter.

— Par Dieu ! si cela est sûr ! — fit le vicomte. — Je l’y ai vu entrer moi-même, et sa voiture, plantée à la porte, atteste le fait suffisamment à ceux qui passent. Américaine noire, attelage Isabelle, rosettes de rubans jaunes à la têtière des chevaux, avec l’écusson écartelé des Marigny et des Polastron aux portières, comme si nous n’étions pas en bonne fortune. Rien n’y manque, en fait d’étiquettes ! Marigny n’aime pas l’incognito. Ce que j’aime de lui, c’est que s’il devient ministre un jour, il mettra sa gloire à être impopulaire. Je ne connais pas d’être qui jette le gant à l’Opinion mieux que lui. »

La comtesse laissa tomber son filet sur ses genoux, muette, humiliée, consternée ; car, on l’a vu, elle avait cru à la conversion de M. de Marigny, par la vertu du grand orviétan de l’amour conjugal.

— « Il était à l’Opéra avec sa femme, — reprit M. de Prosny. — Il en est sorti presque avec moi, et je l’ai vu monter dans sa