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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/377

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de Carteret, en vis-à-vis des perfections de madame sa femme, et passer ses jours à se mirer dans Son bonheur, — comme un fakir de l’Inde se mire dans le bout de son nez et passe quarante ans de sa vie à méditer sur la syllabe Boum ?…

— Si, monsieur de Prosny, c’est étonnant ! — dit mélancoliquement la comtesse. — De pareilles dépravations étonnent toujours. Voilà maintenant — reprit-elle après un silence — la tristesse d’Hermangarde expliquée ! Il n’y a donc pas que la mort de sa grand’mère qui ait jeté cette profonde pâleur sur son beau visage, et donné à son regard cette navrante expression qu’on comprend si peu et qui fait si mal ! La marquise de Cagny me le disait l’autre soir : « Pourquoi donc cette belle madame de Marigny, dont le mariage a tourné la tête à toutes les jeunes filles, qui ne veulent plus faire maintenant que des mariages d’inclination, a-t-elle dans le monde une si grande tristesse ?… On la dirait atteinte d’un chagrin qu’elle cache ou de quelque secrète et douloureuse maladie ? Est-ce la mort de sa grand’mère qui lui donne cet air-là ? Ou bien les suites de sa fausse-couche ?… Dans tous les cas, il n’est guères possible d’avoir moins que cette jeune femme, qui devrait être si heureuse, la physionomie de son bonheur. »