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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/86

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d’ordinaire, se contente de quelques mots écourtés ! Et tout cela, vertu de ma vie ! parce qu’il l’a vue à sa toilette, dans un corset débraillé, ou remplissant le noble rôle de cocher de M. de Cérisy ! »

Assurément, avec ses habitudes du monde, madame d’Artelles avait le droit de s’étonner. Mais la marquise, qui connaissait mieux la vie et combien peu le code des convenances pèse dans la balance des passions ; la marquise ne partageait pas le dédain de la comtesse pour cette femme, qui — comme le disait son amie — faisait rêver jusqu’aux vieillards.

En effet, cette femme, cette Vellini, était pour elle une énigme, dont elle ne parlait jamais, il est vrai, qu’à madame d’Artelles, et encore ne lui en parlait-elle que bien sobrement, en quelques mots, mais qui préoccupait et tantalisait son esprit. Comme M. de Prosny, mais d’une autre manière, incessamment elle en rêvait. Quand, dans sa bergère, au coin du foyer ou à la fenêtre de son salon, elle fermait les yeux et baissait la tête, ses enfants, qui la regardaient, croyaient qu’elle était endormie, et elle pensait à Vellini. Eux, qui l’aimaient presque autant qu’elle était aimable, se parlaient plus bas de leur tendresse pour ne pas troubler son sommeil. Ils surveillaient, en souriant entre eux, — douce chose, mon