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Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/128

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VII

Le repas fut long, comme tout repas normand. Le curé Caillemer parla encore quelque temps de l’abbé de la Croix-Jugan. Il venait, disait-il, habiter Blanchelande, à côté des ruines de son abbaye, et racheter, par une vie exemplaire, le crime de son suicide et de sa vie de partisan. Il avait choisi Blanchelande par la raison qu’il faut que le mal soit expié là où il a causé le plus de scandale. À ces raisons chrétiennes, il s’en mêlait peut-être une autre moins élevée, que le bon curé ne savait pas. L’abbé, homme de parti d’une grande importance, chef de Chouans, devait, à cette époque où la guerre venait de finir, mais où la pacification n’était pas encore à l’épreuve du premier espoir qui pouvait renaître, se trouver placé sous la surveillance d’une administration inquiète. À Blanchelande, à Lessay, pays perdu, il était moins exposé à cette vigilance, nécessairement tracassière, que tous les gouvernements menacés exercent, sans qu’on puisse justement la leur reprocher. Bientôt on