Aller au contenu

Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la Clotte a-t-elle fait à maîtresse Le Hardouey pour qu’elle aille si souvent la visiter dans son taudis, et pourquoi ne laisse-t-elle pas se débattre avec le démon, sur son grabat, ce reste d’impudicité qui a fait honte à tout Blanchelande pendant dix ans ? »

Ce jour-là, Jeanne allait chez la Clotte, poussée par un ensemble de circonstances qui, depuis les vêpres de la veille, cernaient pour ainsi dire son âme et lui donnaient sans qu’elle pût les comprendre les plus singulières agitations. Il était trois heures de relevée quand elle arriva chez la Clotte. La porte de la chaumière était grande ouverte, comme c’est la coutume dans les campagnes de Normandie quand le temps est doux. Selon son éternel usage, la Clotte se tenait assise sur une espèce de fauteuil grossier contre l’unique croisée qui éclairait du côté du courtil l’intérieur enfumé et brun de son misérable logis. Les vitres de cette croisée, en forme de losanges, étaient bordées de petit plomb et tellement jaunies par la fumée que le soleil le plus puissant des beaux jours de l’année, qui se couchait en face, — car la chaumière de la Clotte était sise au couchant, — n’aurait pas pu les traverser.

Or, comme ce jour-là, qui était un jour d’hiver, il n’y avait pas de soleil, à peine si quelques gouttes de lumière passaient à travers ce verre jauni, qui semblait avoir l’opacité de la corne, pour tomber sur le front soucieux de Clotilde Mauduit. Elle était seule, comme presque toujours lorsque la petite de la mère Ingou se trouvait à l’école ou en commission à Blanchelande.