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Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/28

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se déchirait le sein ; mais, faible, parce que la fierté avait été tuée par cet amour funeste, elle frémissait à l’idée d’une rupture avec celui qui lui infligeait un si rude supplice que le sien. Le soir, la nuit, il lui fallait, sous peine de désespoir, la tête de Dorsay sur le duvet où elle posait la sienne, là où ces deux têtes avaient, un temps passé, rougi, pâli, rayonné, bouillonné d’un même désir. Il lui fallait, oh ! la pauvre abusée ! un accent de cette voix qui toute altérée lui avait parlé d’amour aux lueurs vagues et vacillantes de la veilleuse sur le somno, pendant les longues, heureuses et consumantes nuits qui la rendaient cent fois coupable ; il lui fallait ne fût-ce que quelques gouttes de la lave du volcan refroidi qu’elle avait bu et qui l’avait altérée, calcinée, assoiffée.

Qui vous aurait dit, Maria, que de ces deux êtres l’un deviendrait jaloux jusqu’à la plus épouvantable cruauté ? Qui auriez-vous nommé des deux ? Hortense ? Si c’est elle qui se venge d’être méprisée, elle, sa beauté, sa jeunesse, son cœur plein jusqu’aux bords, Maria, la condamnerez-vous ? Et si vous la condamnez parce que vous ne savez pas, vous ne saurez jamais, peut-être, quelle est cette terrible aliénation de la liberté, cet emporte-