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Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/41

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moment la musique allait comme l’éclair. La valse roulait impétueuse. Hortense, les joues enflammées, la tête en arrière, semait sur le parquet les fleurs qui pleuvaient de sa coiffure ; elle était tout échevelée, ceinte à la taille par un bras nerveux elle se penchait sur cet appui comme si elle eût cherché un lit pour s’y renverser, semblable à la vierge violée qui ne se débat plus dans la lutte, mais qui s’étend sous la pâmoison. Ce tableau aurait pu rappeler à Dorsay dix minutes de sa vie et de celle d’Hortense, dix minutes rapides, solennelles, brûlantes, où il n’y avait ni valse, ni musique, ni bal, ni univers sinon eux. Ce souvenir aurait pu revenir… Rien ne revint ! Il se retourna et vit les jeunes gens qui l’entouraient abaisser tout à coup leurs lorgnettes, et lui dire, avec une froideur insultante : « À présent, es-tu convaincu ? »

C’était l’aplomb et le geste de la supériorité intellectuelle courbant un esprit révolté sous l’évidence d’une démonstration.

Sans ce mot il eût gardé son sang-froid. Mais quand les bras se dénouèrent et que la valse fut finie, écheveau de soie dévidé, il avait déjà repris toute la désinvolture de ses manières. Son visage était aussi caressant