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Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/81

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nature n’est pas cruelle, qu’elle a couvert l’instant de la mort d’une incertitude compatissante : cela n’est pas vrai toujours pour celui qui meurt, et cela ne l’est jamais pour celui qui regarde mourir !

Réginald aussi ne s’illusionnait pas. Il se disait que la vierge de son amour rendrait bientôt son corps à la terre et son âme aux éléments : bouton de rose indéplié et flétri sous l’épais tissu de feuilles séchées sans un ouragan que l’on pût accuser ; fleur inutile que personne n’avait respirée ; avorton de fleur sous l’enveloppe fanée de laquelle l’haleine la plus avide, le souffle le plus brûlant, n’eût rien trouvé peut-être à aspirer. Et son amour se renforçait de cette accablante certitude et d’un doute aussi amèrement décevant. Il semblait que toute cette vie qui abandonnait Léa se coulât dans son sein par vagues débordantes et multipliât la sienne. Moquerie diabolique de la destinée ! On se sent du souffle pour deux, on sent, en mettant la main sur sa poitrine, que si cette maudite poitrine pouvait s’ouvrir on aurait du souffle à donner à des millions de créatures, et il faut tout garder pour soi !

Un jour que Léa était couchée sur le banc de la terrasse, Réginald se trouva placé à côté