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Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/96

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doigt (celui du milieu, je crois), que vous glissez si rêveusement le long de vos lèvres en me racontant ; moins votre regard qui s’altère et votre voix qui en baissant veloute tout ce qu’elle dit ; moins, enfin, ces ineffables charmes de votre manière donnés à ce souvenir de votre jeunesse, gâté par moi en le rappelant parce que nous sommes trop loin l’un de l’autre pour que vous puissiez recommencer de me le raconter encore, adorable poète que vous êtes et dont les mélodies ne s’écrivent pas !

Ce que vous m’avez dit encore, madame, c’est que vous fûtes au bal le soir. Probablement c’était ce qu’avaient voulu signifier ces fleurs qui n’étaient pas tombées quand vos deux têtes s’inclinèrent comme pour les rejeter. Vous y allâtes et vous eûtes raison, madame, car vous étiez complètement parées, votre amie et vous. La tristesse, cet ange sans couronne et sans ailes, avait mis une dernière et céleste main à vos toilettes : il avait éploré ces boucles trop coquettes, alangui l’ardeur de ces poses, azuré de l’empreinte des larmes essuyées le contour de ces yeux trop riants, et déposé une pensée, comme l’œuf de quelque tendre mystère, dans le nid charmant de vos sourires. Il vous avait vêtues d’une âme.