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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/103

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Sangsurière, — répondit Néel ; et le dernier mot qu’il m’a dit pour vous a été celui-ci : « Qu’elle pense à elle et à sa santé qui est ma vie. Je ne lui recommande pas de penser à moi. Je suis bien sûr qu’elle y pensera toujours. »

Elle sourit presque fièrement de cette confiance, en regardant Néel, dont le visage altéré la frappa.

— Oh ! comme vous êtes pâle ! fit-elle effrayée. Souffrez-vous, Néel ? Pourquoi êtes-vous si pâle ? Vous vous serez fatigué pour me revenir plus vite, cher et aimable Néel ?…

— Oui, — dit-il, saisissant ce motif qu’elle donnait à sa pâleur et craignant qu’elle ne vît derrière ses yeux, comme lui avait dit la Malgaigne. Je suis un peu las. J’ai moins de force depuis que j’ai voulu mourir pour vous, Calixte. J’ai moins de vie. Je n’ai pas pu vous donner tout. Dieu ne l’a pas permis. Mais pourtant je vous en ai donné !

Il dit cela avec un charme étrange et en souriant avec un orgueil qui était aussi de la tendresse. Il avait toujours avec elle l’orgueil de cette folie de mort. Il en avait l’orgueil et il en avait l’espérance !

— Ah ! fit-elle, ne répondant pas directement, car elle n’aimait pas ce souvenir qui l’émouvait trop… et donnait à Néel trop d’em-