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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/122

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sang de Notre-Seigneur par celui qui jusqu’ici ne l’avait encore que renié ? Et rien ne vous crie dans le cœur quand vous souffrez qu’une telle profanation s’accomplisse : « Rappelle-toi l’hostie de Salsouëf ! »

Et elle s’arrêta sur ce mot qu’elle lui avait lancé, sûre que c’était une foudre… et que, s’il n’en était pas terrassé, il en emporterait au moins l’éclair ! Elle ne se trompait pas. Un tel mot pour le prêtre avait subitement détruit, effacé l’hallucinée. Pour lui, il n’y avait plus là de visionnaire ; il n’y avait que la chrétienne qui était le fond de cette âme troublée et dont lui, confesseur de cette âme, connaissait la grande foi…

La circonstance que la Malgaigne venait d’évoquer, rappelait à l’abbé Méautis un fait de sa jeunesse accompli avec la simplicité héroïque d’une âme comme la sienne. C’était dans les premières années de son ministère. Une maladie du caractère typhoïde le plus effrayant, sortie de ces fondrières, incessamment crevées et remuées par le pied des bestiaux, dans les marais qui bordent la Douve, — une espèce de peste à laquelle les médecins de la contrée ne surent pas même donner de nom, tomba sur Salsouëf, la plus pauvre et la plus chétive paroisse qui soit accroupie dans la vase de ces marécages, si beaux à l’œil, de loin,