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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/151

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mal pour elle, mais pour les autres qu’il inquiétait et effrayait, — et avant tous, pour son père ! L’abbé Méautis remerciait intérieurement Dieu d’avoir permis que ce mal, qui était pour lui un avertissement et une lueur, ne fût pas pour elle un supplice.

Il songea aux profondes tortures de cette âme, s’il était resté en elle le moindre souvenir de la vision qu’elle venait d’avoir… Accoutumé à trouver la main de Dieu partout, il était épouvanté de l’avoir trouvée si terrible…

— J’ai donc été bien effrayante, Néel, — fit Calixte avec la gaieté d’une âme investie d’un calme divin, — puisque monsieur le curé et vous n’osez me dire ce que j’ai été durant cette crise ?…

Néel se taisait. Il était aussi accablé de ce qu’il avait vu. Il ne doutait pas, lui ! Il avait reçu le foudroyant aveu de Sombreval sur le chemin de la Sangsurière, — ce secret du père qu’il était obligé de garder… comme il avait gardé le secret de la fille. Il savait, lui, contre qui les croix avaient saigné !… Agité, malheureux, terrifié, il ne regardait plus Calixte ! Il regardait en lui, mais c’est elle qu’il voyait encore ! Heureusement, la nuit venait et allait cacher à la pénétrante jeune fille l’angoisse de sa physionomie. Les ombres commençaient