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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/155

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tin, parce qu’elle avait reçu une lettre de son père, il oublia tout. Il ne vit plus qu’elle et son bonheur, quand elle vint à lui, presque resplendissante, dans la grande allée du jardin où elle lisait cette lettre, et qu’elle la lui tendit toute grande ouverte, comme si elle avait voulu partager avec lui le meilleur de sa vie ! Il s’abîma, avec le souvenir de la veille et ses effrois de l’avenir, dans la sensation de Calixte heureuse, — comme on perd et comme on oublie les affres d’un cauchemar horrible dans la sensation d’un jour plein de soleil et les perceptions rassurantes de la réalité !

La lettre de Sombreval, datée du séminaire de Coutances, avait un accent d’ardeur religieuse qui fit passer comme un frisson à la racine des cheveux de Néel, car il savait que cette ardeur et cette profondeur d’accent n’étaient qu’un mensonge. Le converti semblait dominer le père dans la lettre de Sombreval. Ah ! que cet homme avait dû étreindre furieusement son cœur pour l’écrire, — pour s’y montrer, héroïque menteur, plus préoccupé du Dieu auquel il ne croyait pas, que de sa fille, — de sa fille qu’il adorait !

Mais ce mensonge était si grand aux yeux de Néel, mais Calixte, sa bien-aimée Calixte, en était si heureuse, que Néel dit enfin le mot brutal par lequel tous ceux qui se risquent fi-