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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/157

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comme si la poésie ne chantait pas en nous et dans nos silences les mieux gardés, jusqu’à la dernière palpitation de nos cœurs ! pour ce prêtre et pour ce mystique, il n’y avait en cause que Dieu dans le drame dont Calixte, Sombreval et Néel étaient les personnages.

Assurément il aimait d’une ferveur de charité divine sa fille spirituelle, cette martyre virginale pour laquelle il voyait dans le bleu du Paradis les Anges occupés à tresser des couronnes, immortellement vertes. Assurément il avait aussi pour Sombreval la pitié ardente, et qui voudrait tant être efficace, du prêtre de Celui qui a dit qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un pécheur repentant que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, mais ce n’étaient ni Calixte ni Sombreval qui étaient en premier dans son âme !

La Malgaigne, l’étrange Inspirée, avait mis le bout de son doigt sur la fibre sensible, sur cette note fondamentale de la conscience du prêtre, quand elle avait parlé de l’honneur de Dieu ! Néel, pour voir le bonheur de Calixte, pour en suivre seulement le reflet sur le front de la pauvre crucifiée de naissance et dont la vie avait été une autre croix, Néel sacrifiait Sombreval. Il l’eût laissé accomplir tous les crimes. Il le laissait se damner, à cœur joie, et qui sait ?… peut-être se fût-il damné lui-