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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/165

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défoncée, fangeuse, et pour les pieds d’un homme et d’un cheval, pleine de trahisons. On y coulait, et, si on n’y périssait pas, on s’y attardait. Pour aller de Néhou à Coutances et pour en revenir, il fallait plusieurs jours. Or, pendant ces jours-là, qui remplacerait l’abbé Méautis à Néhou ? Les prêtres n’étaient pas nombreux à cette époque. Il n’avait pas de vicaire. Qui pendant son absence veillerait sur la paroisse, ferait le catéchisme aux enfants des écoles, assisterait les malades, donnerait le viatique aux mourants ? Prêtre enchaîné à son autel, c’était la première fois qu’il avait à se plaindre du peu de longueur de sa chaîne ! Aussi, dans l’impossibilité d’aller vers Sombreval, il lui écrivit.

Il lui écrivit des lettres d’autant plus éloquentes qu’il savait amèrement qu’elles n’avaient rien de ce qui fait la vraie éloquence, la voix, le geste, l’émotion, les larmes, l’âme, enfin, passant, de furie, à travers cet obstacle qu’on appelle le corps, comme le feu à travers un mur. Sombreval répondit très exactement à ces lettres, et l’abbé Méautis vit tourner la terre autour de lui en pensant que ces réponses de Sombreval, dans lesquelles il attestait Dieu de la sincérité de sa foi, n’étaient que des impostures de plus, ajoutées à cette pyramide d’impostures sous laquelle il s’engloutissait…