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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/178

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et mon rêve, vous savez ce qu’ils sont à présent !

Elle ne répondit pas, mais elle le regarda. Il y avait dans ses beaux yeux navrés l’inutile pitié des êtres qui se sentent aimés et qui ne peuvent rien contre ce malheur irréparable. Néel, qui devinait pourquoi elle ne répondait pas, retint en lui cette plainte que le mot du fils Herpin avait fait jaillir de son âme, — et peut-être aussi l’influence attendrissante de ce jour-là, les marcescibles beautés de cette nature d’automne, qui agonise, et qui semblait à bout de vie, comme il était à bout d’amour !

… Ils se taisaient, en proie à des sentiments qui ne pouvaient, chez l’un comme chez l’autre, exprimer que le désespoir… Tout à coup, monsieur de Lieusaint et sa fille apparurent à l’orée du chemin par lequel le fils Herpin était entré dans les landelles. Pour ne pas passer auprès d’eux, il eût fallu que monsieur de Lieusaint tournât le dos et rentrât dans le chemin d’où il sortait, mais, par fierté pour lui-même et surtout pour sa fille, il ne pouvait pas reculer devant ce jeune homme, qui rejetait la main de son enfant après l’avoir obtenue.

Il se trouvait par hasard dans ce coin de lande, tête à tête avec celle qu’il savait la rivale de sa fille, mais il se rappelait que cette rivale, — peut-être involontaire, — l’avait reçu