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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/184

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férés n’ont de pitié les uns pour les autres. Ils étaient tous les deux changés ; tous les deux portaient dans tout leur être la marque effrayante d’une passion désespérée, et peut-être pensèrent-ils avec un tressaillement de joie sombre, quand ils se revirent et qu’ils se regardèrent, que c’était tant mieux !

Pâle presque autant que naguère l’était Calixte, sur les joues de qui semblaient se transposer ses roses, à elle, Bernardine, les yeux caves, la bouche ardente, n’avait plus cette luxuriance de forme, qui affirmait si splendidement combien elle était femme, cette fille à laquelle on avait osé appliquer un jour l’idée de garçon. Son corsage n’était plus maintenant en contradiction avec son costume, avec cette bandoulière de soie tressée qui suspendait à son épaule son fusil jeté comme un carquois, et qui ne trouvait plus, en passant par-dessus, de sein à couper sur cette poitrine d’amazone. Ses hanches avaient perdu de leur ampleur. Elle pouvait marcher et marcher vite, si le cœur ne lui avait pas tant pesé. Sa robe, très courte, du droguet du pays, laissait voir ses jambes d’Antiope, lacées dans des brodequins de couleur poussière, qui les défendaient contre les piquets du jan et la feuille de houx des halliers.

Elle avait sur ses cheveux, relevés tout droit et lui carrant le front, une toque écossaise