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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/188

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de la route où ils devaient se séparer… À grand’peine contenaient-ils, sous cette écorce de la courtoisie et du monde, des sentiments qui se trahissaient jusque dans les attitudes qu’ils avaient, tout en marchant, coude à coude, ainsi réunis.

Monsieur de Lieusaint qui, dans toute autre circonstance, aurait offert son bras à Calixte, était resté sa fille au bras, précisément parce que Néel ne pouvait offrir le sien à Bernardine. D’un autre côté, devant le vieil ami de son père qui l’avait cru si longtemps le mari certain de son enfant et envers qui il se sentait l’embarras de ne plus vouloir de sa fille, Néel n’osait faire ce qu’il eût fait, s’ils avaient été seuls, Calixte et lui. Il n’osait donner le bras à Calixte qui allait, — isolée, — appuyée sur son ombrelle blanche, — inutile, — puisque le soleil de cette après-midi d’automne n’avait pas la force de traverser la nappe grise du ciel qu’à peine il tiédissait.

Elle, Calixte, avait gardé son voile baissé sur son visage, astre de paix, dont ils sentaient peut-être l’influence, ces cœurs blessés qui pouvaient se toucher trop fort dans quelque mot et qui se contenaient, et, sous ce voile baissé, elle cachait mieux sa compassion pour Bernardine, — pour cette malheureuse qu’à tout prix elle voulait sauver !