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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/193

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plus deux, ils étaient trois. Il perdait ce qui jusque-là l’avait aidé à vivre. Il descendait la dernière marche du malheur. Bernardine, — reproche ou prière sur les lèvres de Calixte, — l’éloignait de Calixte elle-même. Ah ! les faciles générosités des femmes qui ne nous aiment pas et qui veulent que nous renoncions à elles sont d’outrageantes dérisions ! Néel venait moins au Quesnay.

Il n’y voulait pas apporter cette couvée de colères qui s’accumulaient en lui, empoisonnant, mais ne diminuant point son amour. Jusque-là ses désespoirs avaient été intermittents. Il connut alors le désespoir qui ne lâche plus son homme. Il ne sortit plus de cet étau. Son visage bouleversé finit par effrayer le vicomte Éphrem, et malgré la légèreté avec laquelle ce vieillard du dix-huitième siècle prenait tout, il le lui dit, un soir, avec un accent si vrai que Néel, qui débordait de douleur, eut toutes les peines du monde à ne pas tomber sur l’épaule de son père pour y pleurer comme un enfant… Isolement mortel d’un cœur jeune ! Néel sentait qu’il n’avait personne, pas un ami à qui il pût dire en se cachant le front dans sa poitrine : « Elle me fait tant de peine ! console-moi d’elle ! » Il pensait alors à cet ami noyé dans le Vey, à Gustave d’Orglande. Les douleurs sont des