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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/206

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laissait se creuser sous l’action du temps, de la pluie et de leurs lourdes charrettes, entre des champs parfaitement cultivés. Il en avait tant de fois affronté les périls et la sauvagerie solitaire ! Mais, aujourd’hui, il ne les prenait que parce qu’ils étaient le plus court pour revenir à Néhou, et surtout à Calixte, qu’il avait quittée avec un empressement si amer et si sombre et qu’aujourd’hui, après six jours d’absence à peine, il avait fureur de revoir !

Qui ne les connaît pas, ces inconséquences de l’amour, ces soudains revirements du cœur, ces dérisoires escarpolettes de la passion qui nous lance et qui nous rejette, presque au même moment, aux deux extrémités des sentiments les plus contraires ? Parti avec la rapidité fauve d’un homme qui se délivre par la fuite de la persécution de son ennemi (et, grand Dieu ! l’ennemi, c’était elle !), Néel revenait aussi rapidement vers cet ennemi, incommutablement adoré, et il y revenait avec la nostalgie brûlante de cette misérable absence de six jours ! Mauvais déjà, quand il y avait passé, les chemins, en ces quelques jours, étaient devenus pires encore.

L’hiver commençait. Il était tombé de ces noyantes pluies d’abat, comme on les nomme dans le pays, qui font de cette partie basse de la Normandie un marais l’hiver, mais au prin-