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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/218

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vue tomber roide morte à ses pieds, quand elle releva son front et qu’elle lui montra son visage en feu.

C’était un incendie ! Elle étouffait.

— Je ne puis pas pleurer ! fit-elle d’une voix rauque, strangulée par le sanglot, cette crampe du cœur dont elle avait le sein gonflé… prêt à se rompre… mais qui n’éclatait pas !

— Priez Dieu pour que je pleure ! reprit-elle, car je vais mourir… et il me faut le temps, le temps seulement de lui écrire : « Je me meurs. Reviens ! »

Et elle tomba affaissée sur le canapé, mais elle ne s’y renversa pas. Elle était droite encore. Elle se retenait à la vie. L’idée de sauver son père la faisait s’attacher au bord du gouffre ! Cependant elle sentait qu’elle mourait, et parce qu’elle le sentait et qu’elle avait dans le cerveau le tournoiement suprême, elle fit signe avec un geste fou de se hâter.

Il sonna les deux noirs, comme il eût sonné le tocsin. Ils accoururent.

— De l’eau bouillante pour mes pieds ! — fit-elle. Il me semble que je n’ai plus de pieds.

La tête commandait, la tête qu’elle allait perdre tout à l’heure ! L’abbé comprit… et qu’il fallait à tout prix rappeler aux pieds le sang de cette tête où il immergeait avec tant de furie.