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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/258

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plus qu’à son père. « Oh ! maintenant je ne penserai plus qu’à toi, » dit-elle, en retombant dans l’idée fixe de toute sa vie. Ils savaient de qui elle parlait quand elle disait « toi ». Elle tourna la tête vers la pendule, comme un être qui meurt de soif tourne la tête vers une flaque d’eau. « Le jour est fini, ajouta-t-elle. Il doit être arrivé, n’est-ce pas, Néel, celui que vous avez envoyé à mon père ? Mon père sait donc tout à présent ! Il sait que sa Calixte meurt. Ô Dieu ! il croit peut-être qu’elle est morte ! »

Et elle arracha brusquement ses deux mains à Néel et à Bernardine, et elle les tendit vers le ciel dans un mouvement d’épouvante tragique. Elle voyait peut-être l’âme de son père sous le coup terrible de sa mort, à elle, et ce qu’elle voyait, elle le sentait comme si elle avait eu l’âme même de son père.

— Pauvre malheureux ! — fit-elle dans une contemplation hagarde, — puni dans moi ! puni dans son enfant ! Dieu, ô Dieu ! que vos justices sont effrayantes ! Me reverra-t-il ? Vais-je, mon Dieu, m’en aller vers vous sans le revoir ?… Oh ! oui, oui, sans doute ; que votre volonté soit faite, Seigneur ! Mais, Dieu de pitié, permettez que je le revoie, que je meure la main dans sa main ! Je n’ai plus qu’un jour à l’attendre : mais vivrai-je encore