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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/285

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de cet horrible arrachement. La soutane en lambeaux de Sombreval ne venait plus qu’aux genoux…

Tout ce détail affreux entra, d’un seul jet, dans les yeux de Néel, et lui fit l’effet d’une folie. Oui, il pensa que Sombreval était devenu fou, physiologiquement fou. Et il le crut bien davantage quand, au lieu de lui tendre les bras comme à un fils qu’il retrouvait sur la tombe de Calixte, Sombreval sauta sur lui comme une bête fauve, et, l’enlevant dans ses bras, le jeta, terrassé, sur les tombes voisines :

— Va-t’en ! — lui cria-t-il — et sois maudit, lâche meurtrier de mon enfant ! Tu disais l’aimer, et je te l’avais confiée, et tu l’as laissé prendre pour la mettre ici vivante ! Vivante ! vivante ! car c’est impossible qu’elle soit morte pendant l’absence de son père ! Oh ! elle m’aimait tant qu’elle aurait attendu que je fusse arrivé pour mourir ! Ah ! imbéciles et menteurs que vous êtes tous, elle n’était pas morte ! Son amour pour moi aurait retenu sa vie au bord du néant… Elle n’eût pas voulu me faire cette peine de mourir hors des bras de son père ! Vous l’avez stupidement enterrée dans une de ses crises, — dans une de ces léthargies comme elle en avait !

Ô mon enfant ! ô mon enfant ! Ils t’auront enterrée vivante ! Ô horreur ! horreur ! Sera-t-