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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/287

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surhumain qui le transportait, il se mit à recreuser la tombe fermée de sa Calixte. La bêche, maniée par ses fortes mains, dont les forces étaient décuplées par les torrents de volonté qu’y envoyait son cœur, emportait, à chaque coup qu’il enfonçait dans le sol, des masses de gazon et de pierres, et semblait un instrument miraculeux ! La fosse se refaisait et grandissait, mais c’était encore trop lent pour l’âme de feu de ce père, dévoré du désir de revoir son enfant et de la sauver !

Aussi se tourna-t-il vers Néel, ce Néel qu’il venait d’insulter et de maudire, mais qui n’avait pas répondu à son atroce ingratitude, par respect pour une si grande douleur :

— Néel, dit-il ardemment et humblement suppliant, je te pardonne tout, si je la trouve vivante encore ! Ô mon fils ! aide-moi à la sauver !

Et il lui tendit la bêche qu’il tenait et que ses fiévreuses mains avaient faite brûlante… Et pour la seconde fois, retombant à genoux, il se reprit avec ses ongles à déchirer la terre et à vider la fosse remplie, pendant que Néel, magnétisé par le désir de cet homme, — Néel, ne croyant pas à l’efficacité de ce qu’il faisait, mais magnétisé, creusa avec la bêche comme lui creusait avec les mains, et tous les deux, en peu de secondes, arrivèrent aux planches du cercueil…