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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/291

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une rigidité de marbre, pleurant de longues larmes pesantes et silencieuses, dans ce pauvre cimetière de campagne tranquille, qui n’avait jamais vu de pareilles larmes ; sous ce ciel, opale de pureté, dans lequel la lune montait avec un balancement qui ressemblait à de la vie, et où le dernier oiseau de la soirée chantait pour endormir son petit.

Scène d’un calme auguste, mais cruel, plus cruel que toutes les frénésies qui l’avaient précédée… Ce fut ce moment dans la douleur de Sombreval que la Malgaigne, qui était restée sur ses talons, invisible à cet homme pour qui tout avait disparu, excepté cette tombe, d’où il venait arracher sa fille, choisit pour intervenir, — maternelle à son Jeanotin jusqu’à la dernière heure. Elle se leva lentement de la tombe qu’elle n’avait pas quittée pendant que Sombreval et Néel avaient vidé celle de Calixte ; puis, s’avançant vers Sombreval, toujours immobile dans la fixité du désespoir, elle lui posa doucement la main sur l’épaule où il n’avait rien…

Abîmé, perdu, anéanti dans la sensation du corps de sa Calixte, il ne sentit pas la main qui se posait sur son autre épaule. Il ne bougea point… Il ne se retourna pas.

— Jean, — lui dit-elle d’une voix puissamment douce, — tu vois à présent qu’elle est morte, mais tu ne vois pas qu’elle est au ciel…