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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/295

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vivante et je la replacerai moi-même dans son cercueil.

— Non ! fit-il, obstiné comme le malheur qui le frappait. Je me suis séparé d’elle pour la faire vivre… Elle est morte. Nous ne nous séparerons plus !

Et, la tenant toujours sur son épaule, comme un moissonneur tient sa gerbe, il sortit du cimetière avec une rapidité sinistre… Un éclair passa dans la tête de Néel ! Il sentit que le malheureux allait mourir ! Il le suivit, emporté par cet éclair, mais il ne put atteindre, même en courant, cet homme qu’une idée entraînait. Il le vit du sommet de la butte Saint-Jean qui dévalait le long de la butte ; et les ténèbres qui commençaient de fluer dans les airs faisaient le suaire de Calixte plus blanc à travers les ombres du crépuscule.

— Ah ! il va à l’étang ! dit Néel, qui se rappela la prédiction de la Malgaigne et qui se précipita épouvanté sur la pente.

Il l’apercevait alors sur la route, tout près de ce bord redoutable, sans parapet, — et presque au niveau de l’étang. Il courut, la vue fixe sur le suaire de Calixte, tache blanche dans un milieu toujours plus sombre et qui brillait encore quand l’épaule sur laquelle il flottait et l’homme de cette épaule ne se voyaient plus. Tout à coup la tache blanche disparut…