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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/65

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se ravisant, et avec l’enfantillage de la joie et le tutoyant, — car elle le tutoyait toujours dans les moments extrêmes : — Te voilà donc chrétien comme moi, toi qui ne voulais pas croire ? — lui dit-elle. Tu n’auras donc plus horreur du front de ta pauvre petite malheureuse, — heureuse maintenant, heureuse par toi ! Tiens, père aimé, c’est sur le front de ta fillette que tu dois embrasser, après si longtemps, ta première croix !

Et dans sa joie, presque en délire, elle détacha ce bandeau qui cachait le signe dont elle était marquée et elle fit voir cette croix mystérieuse qui s’élevait d’entre les sourcils, cette croix que Néel avait vue, un jour, mais que ne connaissait pas le prêtre, et elle l’offrit avec un mouvement irrésistible aux baisers de son père, — intrépide devant ce signe pour la première fois.

Ce jour-là, l’abbé Méautis resta au Quesnay jusqu’au soir. Ce fut une fête dans ce château triste et solitaire, entre ces quatre personnes qui n’en peuplaient pas la solitude. Ce fut une fête austère et douce. Sombreval y développa, dans ses détails, le projet dont avait parlé le curé. Cet homme unique avait pensé à tout. Il annonça son départ prochain à Calixte, qui ne put s’empêcher de blêmir à ce mot de départ, prononcé par ce père qui ne l’avait jamais