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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/91

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presque vous admire… Peut-être n’y a-t-il qu’une vertu dans la vie, c’est d’aimer… Moi aussi, j’aime. L’amour fait comprendre l’amour. Celui en qui vous ne croyez plus disait de la femme coupable qu’il fallait bien lui pardonner, puisqu’elle avait beaucoup aimé, et il vous pardonnera, sans doute, parce que vous avez beaucoup aimé votre enfant… Je n’ai plus qu’à espérer cela, moi qui, comme Calixte, vous croyais repenti et qui sais maintenant ce qu’elle ne doit jamais savoir, c’est que vous ne l’étiez point et que votre existence n’aura plus une minute de vérité à cause d’elle.

Plus une minute de vérité ! reprit-il tristement en levant vers le ciel ses yeux jeunes et vaillants qui avaient soif de lumière et disaient la franchise de son cœur, — plus une minute de vérité ! Quelle vie pour un homme comme vous, monsieur, car vous êtes un homme comme je n’en connais pas un pour la force, et les hommes forts sont francs comme l’osier !… Que vous allez donc souffrir dans cette vie que vous vous êtes faite ! car c’est une destinée, maintenant… Vous avez été pour vous-même le destin. Moi qui crois tout ce que vous ne croyez plus, moi qui ne doute pas des horribles offenses que vous allez faire à votre Dieu, en redevenant son prêtre avec un cœur impie, je sens bien que vous ne pouvez rien sur vous,