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Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/112

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Et ils sont restés morts, ces yeux si beaux, couleur des saules, et depuis on ne les revit jamais plus briller, même dans les larmes, dont ils ont versé des torrents ! Madame de Ferjol ne tira rien de sa fille, ni cette nuit, ni plus tard, et ce fut de cette nuit funeste qu’elles entrèrent toutes deux, la mère et la fille, dans cette vie infernale dont elles ont vécu, les infortunées ! et à laquelle il n’y a rien de comparable dans les situations tragiques et pathétiques des plus sombres histoires. Ce fut vraiment là une histoire sans nom ! un drame étouffant et étouffé entre ces deux femmes du même sang, qui s’aimaient pourtant, — qui ne s’étaient jamais quittées, qui avaient toujours vécu dans le même espace, — mais dont l’une n’avait jamais été mère, ni l’autre fille, par la confiance et par l’abandon… Ah ! elles payaient cher maintenant la réserve et la concentration réciproques dans lesquelles elles avaient vécu ! Et durent-elles s’en repentir ! Ce fut un drame profond, d’âme à âme, prolongé, mystérieux et dont il fallut épaissir le mystère, même aux yeux d’Agathe, qui ne pouvait pas connaître cette