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Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/141

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saignants à la place de ses yeux dévorés, elle ne devint pas intellectuellement aveugle à regarder l’horrible soleil intérieur qui la brûlait, et qu’elle fixait et qu’elle voyait toujours ! Cela finissait par la plonger dans des silences, comme ceux de Lasthénie… Et si elle se détournait une minute de cette fascination absorbante dont elle demandait vainement à Dieu de la délivrer, c’est qu’une autre pensée non moins puissante, non moins impérieuse, se dressait en elle, — la pensée du temps qui marchait !

Il marchait en effet comme le temps va — impitoyable, — et il allait tout apprendre de la honte des dames de Ferjol à cette bourgade où elles avaient vécu dix-huit ans, respectées. Le terme de Lasthénie approchait. Ah ! il fallait partir ! il fallait s’en aller ! il fallait disparaître ! Madame de Ferjol, qui ne voyait personne, fit répandre un matin, par Agathe, au marché du bourg, qu’elle retournait en son pays… C’était la seule chose qui pouvait amoindrir le chagrin d’Agathe, affligée de l’état inexplicable, et peut-être sans