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Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/204

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pas entraîné la ruine de sa fortune. En 1814, il avait abdiqué sa boutique, comme Napoléon son empire, mais ce Napoléon de la haute épicerie n’eut point, comme l’autre, de retour de l’île d’Elbe, et il mourut sans avoir fait le sien, en 1830, du choléra…

Tel était le personnage original que le hasard et les Révolutions avaient placé en face de madame de Ferjol, à la table du comte du Lude. Il s’y tenait dans ce qu’il appelait « son grand uniforme », car, se sachant beau, il avait toute sa vie mis en valeur par la toilette cette beauté qui subsistait encore. De fait, à le bien considérer, c’était un magnifique vieillard, relativement très jeune, très souple et très solide, et qui aimait à rappeler son inentamable solidité avec une fatuité hypocrite, quand il montrait d’un air qui mendiait la pitié un pouce très agile et qui se portait très bien, mais qu’il disait être resté paralysé depuis l’explosion de la Machine infernale, qui l’avait jeté, racontait-il, par la fenêtre du petit café de la rue Saint-Nicaise, au premier, où il lisait tranquillement le journal, et précipité absolument fou jusqu’à Chaillot, d’où il se fit