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Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/43

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l’aurait profané si on l’avait regardé de trop près… Et quand ce bonheur fut brisé par la mort de l’homme dont elle avait été éperdue, elle ne chercha chez personne de consolations. Elle vécut seule sans affectation de solitude ou de chagrin, polie avec les autres, mais de cette froideur souveraine qui éloigne puissamment et doucement, sans blesser. La petite bourgade avait pris très vite son parti de cela. Madame de Ferjol était trop au-dessus des gens de ce bourg pour qu’on pût s’y froisser d’une solitude qu’on expliquait, d’ailleurs, par le chagrin de la mort de son mari. On croyait avec raison qu’elle ne vivait que pour sa fille, et on disait, la sachant riche, et qu’elle avait de grands biens en Normandie : « Elle n’est pas d’ici, et quand sa fille sera en âge d’être mariée, elle retournera dans le pays où elle a sa fortune. » Aux alentours, il n’y avait point de partis pour mademoiselle Lasthénie de Ferjol, et on ne pouvait croire que sa mère voulût se séparer, par le mariage, d’une fille dont elle ne s’était jamais séparée, même pour l’envoyer au couvent de la ville voisine, quand il avait fallu s’occuper de son éducation. C’é-