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Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/115

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adultère qui changera la face des choses, — quoique ce mot soit doux !

« Ce n’est pas avec le mal qu’on arrive au bonheur. Ce n’est pas non plus avec la vertu. Ce n’est pas non plus avec ce feu sacré des grandes décisions instinctives, qui n’est ni le bien, ni le mal. Ce n’est avec rien de tout cela qu’on arrive au bonheur ; on n’arrive jamais jusque-là. »

Elle s’arrêta, et dit, comme si elle sentait sa destinée retomber sur elle :

— Oui, je sais que j’ai fait le mal ; que ceux qui m’aiment le plus me détesteraient de bien des façons s’ils savaient… Ma mère, si elle savait — elle qui est si indulgente, — elle serait si malheureuse ! Je sais que notre amour est fait avec la réprobation de tout ce qui est sage et juste, et avec les larmes de ma mère. Mais cette honte ne sert plus à rien ! Ma mère, si elle savait, elle aurait pitié de mon bonheur !

Il murmura faiblement :… « Tu es méchante… »

Cela tomba comme une petite parole sans signification.

Elle caressa le front de l’homme d’un léger envolement de sa main et, d’une voix surnaturellement assurée :

— Tu sais bien que je ne mérite pas ce mot. Tu sais bien que je parle au-dessus de nous.

« Tu le sais bien, tu le sais mieux que moi, qu’on est seul. Un jour que je parlais de la joie de vivre et que tu étais illuminé de tristesse comme je le suis aujourd’hui, tu m’as dit, après m’avoir regardée, que tu ne savais pas ce que je pensais, malgré mes