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Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/309

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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

rendre compréhensible un groupe de hameaux, à condition de le situer sur un fond et de garder une vue générale de la France, quel bénéfice incalculable, quelle éducation en profondeur, autrement féconde que notre éparpillement de touche-à-tout et notre verbiage sur les civilisations mondiales !

Comme ils passaient devant une pauvre auberge de Richardménil, on leur cria : « Vive Boulanger ! » Ils s’arrêtèrent et burent un verre de vin avec quelques mineurs des exploitations voisines.

— Pourquoi, dit Sturel, pensez-vous que c’est Boulanger qu’il nous faut ?

Ces braves ouvriers, moins défiants que les cultivateurs, répondirent que le Général était pour les petites gens et qu’il faisait peur aux Prussiens. Sturel, avec affection, les confirma dans une doctrine qui simplifiait la vérité sans la déformer.

Maintenant le Vermois, sous la nuit tombante, étendait ses antiques cultures. Pour ceux qui savent entendre, l’heure du soir criait les grandes vérités : la bête humaine a des instincts farouches ; elle tend à s’organiser ; elle subit toujours le prestige des mots Justice, Égalité ; elle n’a pas en ces lieux l’instinct politique ; à toutes les époques, des étrangers lui fournirent un gouvernement, mais ils passèrent sur elle sans modifier ses aptitudes héréditaires.

Comment se modifieraient-elles quand les conditions demeurent pareilles à travers les siècles ? Sur ces villages qui jalonnent l’étape de Sturel et de Saint-Phlin, le monde antique s’est épaulé pour résister à l’effort barbare. D’Épinal à Metz, le cours de la Moselle est semé de camps romains, placés sur la hauteur ou sur la berge même. Il faisait nuit