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LE SYMBOLISME


C’est pourquoi il avait accepté d’éditer la Vogue, un hebdomadaire qui devait commencer la réalisation de cette ambition. Le titre de la revue avait été trouvé par d’Orfer. Mais il ne plut pas également à tous les collaborateurs. Mallarmé consulté fit la grimace. Il eût préféré un titre jadis caressé par Kahn, le Priape « titre, assurait-il, dont l’invention est enorgueillissante ». Laforgue y avait vu un défi au hasard et s’était effrayé de la vanité prétentieuse qu’il révélait. Il avait envoyé comme correctif indispensable cette épigraphe : Vogue la galère, que les rédacteurs adoptèrent à l’unanimité. Pour l’impression de la couverture et dans le but de frapper l’attention du public, on avait fait choix de caractères typographiques d’un genre nouveau, de lettres style gothique, qui, au dire de Charles Henry, étaient à la fois fantaisistes et raisonnées, le dernier mot de l’esthétique en matière d’impression. Pour le premier numéro, il convenait d’avoir des collaborateurs dont le nom même fût un programme. On fut trouver Mallarmé. « Debout contre son poêle de faïence, le maître choisit avec les rédacteurs des poèmes en prose dans son écrin », mais, à la réflexion, Gustave Kahn préféra aux vers du poète une page rare alors introuvable : le Phénomène futur. Puis ou fut quérir Verlaine. Il habitait alors cour Saint-François, sous le chemin de fer qui va de la Bastille à Vincennes, une modeste chambre. Pour y accéder, il fallait passer dans la boutique du propriétaire, un honnête marchand de vin. C’est dans la salle du café que Verlaine reçut ses visiteurs. Il accepta de collaborer avec d’autant plus de plaisir que dans leur admiration généreuse les rédacteurs lui avaient offert de rétribuer sa copie. Pendant deux mois Verlaine put toucher quelque argent, bien peu de chose, de la Vogue. « D’ailleurs, ajoute Gustave Kahn, il n’en touchait alors que là. » Jules Laforgue, à cette époque en Allemagne, lecteur de l’impératrice Augusta, envoya des poésies. Du reste, collaborateur très régulier, il faisait parvenir à la revue ses moralités légendaires par plis recom-