fesse pas une admiration excessive pour les poètes de l’anthologie. Quant à Théodore de Banville, il prétend que les symbolistes ont eu le courage de réaliser toutes les réformes rythmiques que ce poète avait préconisées dans son « admirable Traité de poésie ». Il conclut que pour le reste « la plus prolixe controverse ne saurait aboutir ». L’ultime explication des dissidences est à son sens dans ce jugement aux termes interchangés. Le parti défendu par Anatole France admire Lamartine et estime Baudelaire. Les symbolistes admirent Baudelaire et estiment Lamartine.
Dans le même numéro Paul Adam
[1] donnait quelques
explications complémentaires. Il indiquait que la décadence
littéraire n’était pas le fait des symbolistes. « Qu’on le sache
donc, prévient-il ; la décadence littéraire régna pendant les
xviie et xviiie siècles jusqu’à Chateaubriand. Les vrais
décadents sont les classiques au parler si pauvre, dénué de
toute puissance sensitive, de couleur, de joaillerie, de psychologie
et de concision. La phrase de cette époque sonne
creux ; rien ne gît en dessous ; le pur délayage y coule, s’y
décompose, devient un liquide fade et dégoûtant. Et les gens
du xviiie siècle ne dépassèrent pas en talent le bon journalisme.
Il faut excepter l’Esther de Racine, Saint-Simon, La
Bruyère. Le reste ne vaut guère lecture. Corneille écrit des
choses de ce genre :
O combien d’actions, combien d’exploits célèbres
Sont demeurés sans-gloire au milieu des ténèbres.
et Racine répète sept fois la même rime dans un acte de
Phèdre. Cela, après le vocabulaire si riche de Rabelais, de
Villon, de Montaigne, des chansons de geste ; cette phrase
monotone après les admirables périodes du Pantagruel, les
grandioses simplicités de la Mort de Roland, les puissances
suggestives et mélodiques des Ballades. Le meilleur de ces
- ↑ La Presse et le Symbolisme.