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LE SYMBOLISME ET LA PRESSE



16. Cette condamnation gravement motivée parmi ancien professeur, fut le signal d’un véritable débordement de ridicule. Le public y vit le droit à toutes les moqueries, les folliculaires, le blanc-seing généreusement octroyé pour les pires insultes. Il s’abattit sur les symbolistes une grêle de chiquenaudes, une pluie de quolibets, un déluge d’injures. Une feuille mondaine écrivit couramment Gustave Kahn le nom de Gustave Kahn et souligna cet esprit de caserne pour que nul ne perdît le sel d’un calembour aussi distingué. Des princes de la critique s’oublièrent à des gentillesses de portefaix ou de truands. Pour Sarcey il n’y a chez les décadents que « du fumisme », Jules Lemaître les traite décidément de « symbolards et d’ahuris du symbolisme ». Marcel Prévost les représente comme des malades atteints « d’hypertrophie de la vanité » [1]. A peine si, dans ce concert de malédictions, on entend la voix d’Uzanne qui vante « la correction d’attitude et de mise des jeunes poètes » [2] et les réflexions courageuses de Champsaur et de Jean Lorrain. Les éloges ne font qu’exaspérer la critique. M. Brunetière réussit cependant a contenir un moment ce flot d’invectives. Les symbolistes avaient à ses yeux le grand mérite d’être catholiques et de représenter les seuls adversaires audacieux du naturalisme. Il écrivit qu’il les considérait comme les dépositaires incapables de la bonne esthétique. Après une escarmouche dans la Revue des Deux-Mondes du 1er mars 1888, l’éminent critique daigna en novembre leur consacrer une étude. S’il a mis si longtemps à se décider, malgré le bruit que faisaient autour de leur nom les futurs grands hommes de la décadence, c’est, explique-t-il, qu’il lisait avec attention

  1. Cf. sur ers diatribes : la Gent irritable ; la Trève, par Saint-Pol-Roux (Mercure de France, octobre 1891). — Pour clore une polémique (Entretiens politiques et littéraires, Année 1890, p. 201). — Henri de Régnier : Victor Hugo et les Symbolistes (Ent. pol. et lit., 1891, p. 193). — Conférence symboliste (la Plume, 15 septembre 1890).
  2. Le Bohème d’hier et les réguliers d’aujourd’hui (la Revue du Livre, octobre 1888). — New-York Herald, 1er juin 1893.