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LE SYMBOLISME

Et, quant à sa grammaire, ce n’est évidemment qu’une grammaire d’étrangers [1]. Sans doute, il y a quelque surprise à trouver dans l’œuvre de Verlaine une condamnation aussi catégorique d’un mouvement dont lui-même avait été l’initiateur. On alléguera que les citations précédentes sortent d’ouvrages que Verlaine eût désavoués s’il en avait eu le temps. Le poète a, par bonheur, répondu d’avance à cette critique. Pressé sans doute par des amis communs de ne pas condamner aussi vertement le symbolisme, il riposte en maintenant son anathème :

Ce que j’ai dit, je ne le reprends pas ;
Puisque je le pensais, c’est donc que c’était vrai[2].


Moréas et les autres restent pour lui des élèves révoltés [3]. Le pédantisme avec ses odieuses conséquences, obscurité et vanité, voilà donc son plus lourd grief à l’égard des symbolistes et des romanistes. Il a gardé du pédant une haine implacable. Il l’a prouvé, non seulement en se séparant de ses disciples, mais encore en s’attaquant à ceux qui représentent à son époque la philosophie ou l’érudition. Il abomine Édouard Rod, « psychologue à la manière de Georges Ohnet dont le style sent le vieux [4] ». Il ne pardonne pas ses justes remarques à « l’éternel sot, qui fut jadis Fréron et maintenant se nomme Brunetière [5] ». Tout poète doit se garder de cette fausse science qui séche le cœur et déprave l’esprit, sans apporter à l’homme aucune des consolations nécessaires :

Moi, si j’avais vingt fils, ils auraient vingt chevaux
Et fuiraient au galop le pédant et l’école[6]

  1. Invectives, XLIII. Rasta.
  2. Id., XXV et aussi Epigrammes, II, 1.
  3. Jules Huret, op. cit, p. 70
  4. Invectives, VII et VIII.
  5. Id., XIII.
  6. Id., XXXVI.