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LE SYMBOLISME


L’inspiration, ce désordre vaticinateur des anciens, c’est simplement l’intuition. Ghil la définit : « le moment palpitant oïl la cérébralité du poète s’unit tout à coup en commotion de certitude à l’essence même des choses qui sont sous sa méditation [1] ». Cet éclair synthétique du mystère peut donner par l’analyse scientifique la conscience émue des rythmes universels, ce qui est le rôle principale de la poésie scientifique.

L’idée se forme donc dans un mouvement d’émotion. Son expression poétique doit reproduire ce mouvement initial. Or ce mouvement est proprement le rythme. L’idée se manifeste par une série de vibrations ; le rythme a pour but de recréer dans l’âme du lecteur cette même série de vibrations.

Le poète qui sera possédé par l’inspiration trouvera rapidement les expressions les plus concordantes à son émotion, s’il sait user des timbres vocaux. Il les rythmera selon les valeurs vibratoires qui les ont produits, c’est-à-dire qu’il emploiera des mètres plus ou moins longs selon la longueur des ondes sonores qui correspondent aux vibrations de la pensée. Par là s’explique que des vers de même mesure métrique soient plus rapides les uns que les autres ; car indépendamment des pieds qu’ils comptent, ils comprennent des timbres vocaux d’une durée vibratoire variable, et c’est seulement de ces timbres vocaux que dépendent les accélérations ou les retards du vers.

Mais ce rythme scientifique, dont les divisions sont en rapports étroits avec le mouvement de l’idée, vient se mesurer graphiquement par un nombre fixe de syllabes. Ces mesures sont eurythmiques ou dissonantes selon que les combinaisons métriques proviennent de la multiplication ou de l’addition des nombres deux et trois [2].

René Ghil conserve l’alexandrin comme unité de mesure. Le vers ne saurait être plus long, car ce mètre est la mesure

  1. De la Poésie scientifique, p. 36.
  2. Id., II. L’Instrumentation verbale, le Rythme évoluant.