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LE SYMBOLISME

Fais un faisceau de ces milliers de fibres
Muscles tendus et nerfs qui vibrent ;
Aimante et réunis tous ces courants — et prends
Si large part à ces brusques métamorphoses
D’hommes et de choses
Que tu sentes l’obscure et formidable loi
Qui les domine et les opprime
Soudainement à coups d’éclairs, se préciser en toi[1].


Ce geste audacieux avait sa cause dans une philosophie dont le principe était la glorification de la vie sous toutes ses formes. A plusieurs reprises le poète fait en la vie acte de foi :

J’aime mes yeux fiévreux, ma cervelle, mes nerfs,
Le sang dont vit mon cœur, le cœur dont vit mon torse.
J’aime l’homme et le monde et j’adore la force
Qui donne et prend ma force à l’homme et l’univers…
Car vivre, c’est prendre et donner avec liesse[2].


Aussi son œuvre est-elle comme un monument dressé à la beauté souveraine de ce qui vit. C’est d’un côté la splendeur plantureuse d’une nature luxuriante, la force saine et calme des campagnes flamandes que Verhaeren rend avec un réalisme expressif et pittoresque, soit qu’il traduise le comique rubicond et mystique du Pèlerin [3], soit qu’il exprime dans la campagne le bonheur de la Vachère [4] endormie :

Aussitôt elle dort, bouche ouverte et ronflante.
Le gazon monte autour du front et des pieds nus,
Les bras sont repliés de façon nonchalante,
Et les mouches rôdent dessus.


C’est d’un autre côté la laideur magnifique et puissante de la vie moderne dans les cités du fer et du charbon, la

  1. Les Visages de la vie : la Foule.
  2. Les Forces tumultueuses : un Soir.
  3. Petites légendes.
  4. Les Flamandes.