Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
333
LES MALLARMÉENS

mutisme séculaire, le veilleur des tours chante 21 vers de conclusion.

Ce procédé d’analyse est d’autant moins inutile qu’il s’agit dans ces poèmes, non comme on pourrait le croire de contes ou d’histoires moyenâgeux, mais d’une étude sur les phénomènes de conscience dans tel ou tel cas passionnel ou simplement psychologique. Pour Gustave Kahn, le poème est un chant éminemment individuel. Il ne saurait l’être davantage qu’en traduisant les faits d’émotion personnelle. La vraie poésie est une poésie intime, rien autre chose qu’une conversation du poète avec lui-même. Toutefois le poète n’est pas enfermé en lui. Il peut converser avec le dehors. Il y a là matière à poème extérieur, beaucoup moins personnel, fait avant tout pour le grand public, dans un but de propagande ou d’instruction. Mais là encore l’adoption du même procédé n’est pas inutile à l’intelligence de l’œuvre. Gustave Kahn en a donné l’exemple dans ses Odes de la Raison. Destinées à l’éducation de la foule, ces odes sont en général à deux voix. L’auditeur, présumé moins intelligent que l’acheteur habituel des in-18 à 3 fr. 50, comprend mieux les beautés de ces chants alternés. Quand on lit les poèmes de Gustave Kahn, il ne faut pas oublier l’entrecroisement des voix qui se répondent. Il ne les a pas indiquées partout, mais le lecteur doit être assez clairvoyant pour les deviner et savoir apprécier l’originalité des images par lesquelles elles révèlent leur présence. Si l’on oublie un instant la deuxième manière du poète, celle par laquelle Gustave Kahn a voulu communiquer plus directement avec la masse, son œuvre poétique, qu’il a consciemment voulue la plus individuelle possible, pourrait être définie le poème des voies intérieures, l’art d’ordonner sur un rythme musical des images hardies où se synthétise pour l’œil du lecteur la complexité des phénomènes de conscience. Le poète, déclare Gustave Kahn, ne crée ni n’expose des idées. Sa fonction est de découvrir des images, comparaisons, métaphores, antithèses, hyperboles et paraboles,