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LES MALLARMÉENS

la période : une idée formulée avec ses compléments et qualités, de temps, de lieu, etc., dans la mesure qu’indique le tact intuitif qui est précisément le don poétique.

» La strophe se compose de vers, alinéas perpétuels.

» Le vers s’adresse à l’intellect d’une part et à l’oreille de l’autre. Considéré sous ces deux objectifs :

1° Il existe instinctivement une répulsion pour l’enjambement. Une époque l’a si bien éprouvé que le cuistre Boileau l’a pu formuler avec l’approbation et selon les œuvres de ses grands contemporains. Or le romantisme, dans sa dislocation passionnée du vieux moule classique, a brutalement pratiqué l’enjambement, et la joie iconoclastique fut telle qu’on oublia pour ce leurre de liberté, qui est la négation même du vers, cette autre réforme accomplie de nos jours et qui mobilise la césure jusque-là hypocritement respectée par les plus farouches : mais prenons un exemple de période en prose.

» — En prose !

» — Oui, ma démonstration y gagnera en clarté (Cette période de Fléchier).

Mais rien n’était si formidable
Que de voir toute l’Allemagne,
Ce grand et vaste corps.
Composé de tant de peuples
Et de nations différentes,
Déployer tous ses étendards
Et marcher vers nos frontières
Pour nous accabler par la force,
Après nous avoir effrayé par la multitude.


» — Je perçois, concluai-je, à chaque complément de l’idée vous allez à la ligne ?

» — Parfaitement ; voilà une première raison pour cet étagement, mystérieux pour beaucoup, de petites lignes inégales. Maintenant un exemple de vers :

O toi
Haine, amour, double joie,