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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/152

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à travers le long corridor, le mort leur reprocha en termes lamentables de vouloir l’enterrer vivant.

Vous vous imaginez que les deux hommes allèrent promptement, et à petit bruit, remettre le ressuscité sur son lit où des soins empressés lui furent administrés.

Inutilement, hélas ! il était bien mort comme l’attestait d’ailleurs sa rigidité cadavérique.

On ne vola plus à la tombe son locataire, mais les gardiens commençaient à s’entre-regarder en hochant la tête d’un air soucieux. Ce dernier incident avait été soigneusement caché aux malades dont les esprits étaient déjà assez surexcités.

La vive imagination de mes compatriotes celtiques avait de quoi s’exercer, et, comme bien on le pense, les commentaires allaient leur train. On parlait de spiritisme, d’intervention surnaturelle et que sais-je encore ?

On avait beau agir avec la plus stricte attention, rien ne pouvait empêcher la répétition ni faire soupçonner la provenance de ces bruits aussi extraordinaires qu’inconnus jusque là.

Une fois, qu’on transportait à travers la salle, une grande caisse de bois remplie de morceaux de papier, de carton, de bris de toute sorte, une voix étouffée sortit tout à coup de dessous, ces amas :

— Pour l’amour de Dieu, criait-elle, je meurs ici si on n’enlève tout de suite ces ordures qui m’étouffent.

— Comment, diable, se fait-il qu’il y ait quelqu’un là-dedans, dit un des porteurs, laissant précipitamment tomber par terre son fardeau.

— Je m’étais endormi au fond de cette caisse, répondit la voix, et les balayeurs des salles ont jeté sur moi toutes ces choses, mais, vite, vite, j’étouffe.

Inutile de dire avec quelle célérité on se rendit à cette prière. En un clin-d’œil la caisse était renversée, le contenu dispersé aux quatre coins de la salle, les papiers, les brindilles, la poussière volant ici et là, sur les lits, les corniches, partout. Et d’homme point.