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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/173

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femme qui s’écarte, ne fût-ce qu’un instant, du code sévère qu’on lui a imposé.

Et l’homme, créé pour être son soutien, son protecteur, la poussera à sa chute, puis, une fois tombée, ne lui tendra pas seulement la main pour la relever.

Mais, la laissant couverte de boue et d’opprobre, il continuera sa route, le front haut, plein du respect et de la considération de ses semblables.

Le singulier monde que le nôtre !

Tu t’en étonneras, ma mie. Nous nous en sommes étonnées aussi.

Une autre chose que tu apprendras bientôt, c’est que la part de la femme sur la terre c’est la souffrance. Quelques-unes un peu plus, quelques-autres un peu moins, mais pas une n’échappe à l’inexorable loi.

Sa délicatesse physique, son extrême sensibilité morale, lui font ressentir plus fortement tous les maux inhérents à l’humanité.

Voilà pourquoi, ta bonne mère, sachant d’avance ce qui est réservé à toute femme, un instant, a regretté pour toi d’avoir donné le jour à un petit être destiné à toutes les rigueurs et les injustices du sort.

Cependant, chérie, il y a encore dans notre vie de douces compensations. De bienfaisants rayons viennent illuminer l’existence.

Un jour, tu réaliseras le doux rêve d’aimer, d’être aimée, de cet amour sincère et pur béni par les anges. Toutes les autres souffrances pâlissent près de cet ineffable bonheur…

Mais, si la mort vient te surprendre, avant que tu ne connaisses la joie et la douleur, nous pleurerons sur ton berceau vide, remerciant Dieu de t’avoir épargné les luttes et les exigences de la vie.

En attendant, mignonne, repose dans ton nid douillet, sous la chaude caresse du regard maternel.

Tout aujourd’hui te sourit : Fais ton gentil dodo, mon bel ange.