Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/196

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les torts dans ces drames intimes dont les suites sont si déplorables ; mais, moi qui ai beaucoup connu le pauvre délaissé, je ne l’accuserai jamais.

Ses connaissances musicales étaient profondes, et, la justesse de ses observations m’a grandement aidée à rectifier mon jugement sur le mérite de beaucoup d’artistes.

J’aimais à le faire causer, et c’est ainsi que je découvris la corde sympathique qu’il conservait encore, toute vibrante au fond de son âme, pour la ravissante Madrilène, dont il suivait la carrière avec tant d’intérêt.

— Vous n’avez pas entendu madame Patti ? me dit-il un jour.

— Jamais, lui répondis-je.

— Le jour que vous aurez cette aubaine, vous verrez que sa voix vous sera toute une révélation. Pour moi, il m’a semblé que je n’avais jamais auparavant entendu chanter.

Puis, après s’être longuement étendu sur le charme pénétrant de cette voix d’or, il me parla encore de la beauté touchante et de la grâce exquise de sa mignonne personne.

— Avec quelle gentillesse, elle salue son auditoire, disait-il. On dirait une fée. Son beau regard a cette particularité remarquable qu’il semble s’attacher sur chacun de vous et cependant embrasser tous les spectateurs à la fois. Et avec cela jolie, jolie, il faut voir !

— Allons donc, repris-je pour le taquiner, vous savez bien que, maquillées comme elles le sont, toutes les actrices sont ravissantes sur la scène. Voyez-les, dans la rue, et ce n’est plus cela du tout.

— Mais je l’ai vue, me confia-t-il. Figurez-vous qu’un soir, au sortir du théâtre, pour éviter la foule, je pris une