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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/275

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Cela dura tout une saison ; la belle s’amusa, coqueta même, puisqu’il faut bien le dire, avec ses trois gentils cavaliers. Je ne voudrais pas prêcher de doctrine malsaine, mais c’est mon opinion qu’un peu de coquetterie est permis : il ne convient pas de livrer une redoute dès la première escarmouche.

Cependant, le temps fuyait ; l’été tirait à sa fin, et cet état de choses ne pouvait guère se prolonger plus longtemps, la jeune fille le sentait bien.

Comme elle y songeait sérieusement, par une belle après-midi de fin d’août, en se balançant doucement dans un hamac accroché aux branches de deux énormes saules, il lui vint tout à coup à l’esprit d’user de stratagème pour fixer cet état d’irrésolution.

C’était l’heure où ses fidèles devaient venir lui présenter leurs hommages.

Elle s’arrangea aussi gracieusement que possible dans son petit hamac, étendit artificieusement autour d’elle les plis onduleux de sa robe de mousseline, laissa poindre un pied dont la petitesse eût rendu jalouse une Cendrillon, posa sa jolie tête sur le coussinet en soie bleue et fit semblant de dormir.

Au bout de quelques minutes, des pas se firent entendre et, sous ses paupières qu’elle entre ouvrit un instant, elle aperçut la silhouette de Gaston qui se dirigeait de son côté.

Il s’approcha d’elle tout près, bien près et, la voyant endormie, il se prit à murmurer des mots d’amour plus mélodieux qu’un chant du ciel, plus tendres que le roucoulement de la plaintive tourterelle. Il fit passer toute son âme dans ses accents émus, et, quand il eut fini sa brûlante déclaration, il s’éloigna sans bruit, sans oser l’éveiller.

La belle ouvrit alors les yeux, sourit, mais n’eut pas le temps de donner d’autres signes extérieurs, car Hugues s’avançait de son côté par un chemin opposé.

Lui aussi la contempla longuement, disant tout bas