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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/278

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— Les pauvres anges, comme vous les calomniez, répondit-elle, toute rougissante et légèrement embarrassée, mais ne m’avez-vous pas promis une histoire ?

— Triste ou gaie ?

— Ce que vous voudrez.

— Gaie, alors. Une débutante est toujours dans le bleu, et je ne veux pas mettre de nuages dans la sérénité de votre ciel.

— Oui, fit-elle avec un petit soupir de bonheur, je me sens tellement heureuse ce soir. Ce monde me semble si bon, si beau, si plein de charmes. Croyez-vous, — et il y avait un peu d’anxiété dans sa voix, — croyez-vous qu’il en soit toujours ainsi ?

— Pour vous, oui, je l’espère, fussiez-vous une rare exception.

— Vous n’en êtes pas sûr ?

— Jouissez bien du présent, sans vous préoccuper de l’avenir. D’ailleurs, chacun est l’instrument de son propre bonheur ou de son malheur.

— S’il ne dépend que de moi,… mais je ne veux pas être heureuse toute seule ; je désire également le bonheur de tous ceux qui m’entourent, et cela, c’est plus difficile.

— Cependant, cela ne tient qu’à vous.

— Je ne comprends pas bien…

— Je vous expliquerai cela une autre fois. Ce soir, nous n’effeuillerons que des marguerites.

— Mes chères marguerites, mes pauvres fleurs, dit-elle en portant son bouquet à ses lèvres. Voyez comme elles sont toutes penchées ; demain elles seront déjà flétries, mais j’en aurai bien soin et je les mettrai dans l’eau fraîche pour les raviver. Ne trouvez-vous pas cruel de les arracher ainsi à leurs tiges pour les faire mourir ? Moi, je vois une âme partout : dans les fleurs qui embaument, dans le papillon qui volète, dans les étoiles qui nous regardent ; je crois qu’ils respirent, qu’ils vivent et surtout qu’ils ressentent comme nous.