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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/316

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timide, mais qu’elle aimait bien tout de même. Elle lui confia qu’elle allait faire son début prochainement, et lui parla de toutes ses craintes à ce sujet.

Ils furent bien surpris tous deux de voir que l’heure du départ avait déjà sonné ; avant de se séparer, il lui fit promettre de lui garder son plus joli bouquet le soir suivant, s’engageant à venir le chercher.

Marielle s’en retourna chez elle, ce soir-là, le ciel dans l’âme.

M. Reynal est un fort bon parti, et très riche, lui dit la prudente Lucette, mais prends garde ! C’est un flirt, il s’amuse avec toutes les jeunes filles et n’en épouse pas une.

Flirt, lui ? Marielle n’en croyait rien. Les flirts n’ont pas ce reflet franc et ouvert qui luisait dans ses yeux. Déjà, elle se sentait prête à le défendre envers et contre tous.

Elle attendit le soir du second jour avec une vive impatience. Comme ils s’entendaient bien ensemble, malgré la différence de leurs années ! Elle avait maintes choses à lui raconter : l’emploi de sa journée et les subterfuges auxquels elle avait dû recourir pour lui garder le petit bouquet que son taquin de cousin voulait lui enlever.

Hélas ! elle l’attendit en vain.

Il viendra demain, se dit-elle pour se consoler.

Mais demain et tous les lendemains s’écoulèrent, et son ami ne parut pas.

La Kermesse avait soudainement perdu pour Marielle tous ses attraits ; elle oubliait de renouveler les fleurs de sa corbeille, et les pauvres roses, les délicats chrysanthèmes laissaient pendre leur tête flétrie, comme si la bise d’octobre les eût déjà effleurés.

— Qu’avez-vous, ma petite, lui dit avec bonté la présidente de la Kermesse, êtes-vous malade ?

— Non, madame, répondit-elle, et ses grands yeux « couleur de rêve » avaient une expression navrée qui faisait mal à voir.